INTENTIONS formulées à l’occasion de la réalisation du document audiovisuel « Nous n’avons ni gagné ni perdu » – voir le document ici.
Par les professionnels accueillis en résidence aux collèges Les Clauzades (Albi) et Albert Camus (Gaillac) : Éloïse LEBOURG, journaliste et Matthias SIMONET, vidéaste
Nous avons décidé de réaliser un court-métrage appuyé sur le récit. Initialement, nous voulions réaliser un travail d’investigation sur le territoire en recoupant les points de vue sur la bataille de Sivens. Mais, un tel travail demande beaucoup d’heures d’immersion. Aussi, dans le cadre de la résidence, nous avons dû revoir notre ambition.
Au départ, nous ne voulions pas prendre parti, mais bien diffuser les différents témoignages : celui d’un pro-barrage, celui d’un anti-barrage et celui d’une personne vivant en plein cœur du territoire et pour laquelle le positionnement était complexe. Mais, comme souvent dans notre métier, les choses ne se passent pas comme prévu. L’une des personnes ressources a refusé de témoigner pour notre film. Il nous restait alors deux familles que tout oppose dans leur vision des faits. Nous trouvions cela épatant qu’un fait puisse avoir une lecture si différente selon les affinités politiques, culturelles et certainement aussi du fait de la localisation de leur maison respective ; et donc ce que chacun pouvait voir de sa fenêtre. En effet, la maison des uns est sur le chemin de la ZAD. La maison des autres, elle, est au-dessus, et de chez eux, on ne voit pas le lieu où se sont déroulés les faits. La question du point de vue était donc centrale dans notre réflexion.
En tant que documentaristes, nous avions envie de donner la parole aux deux familles afin de montrer l’importance de l’angle dans un travail journalistique. Par exemple, les méchants de chacun sont les gentils des autres.
Malheureusement, une des deux familles était cas contact à notre dernière visite, et nous demandait de revenir plus tard. Comme nous n’avions que trois semaines de tournage en commun avec Matthias, il nous était impossible de recaler un rendez-vous.
Nous avons donc décidé de revoir à nouveau la famille Lacoste, anti-barrages et pro-zadistes. Nous avons passé une soirée avec eux, à recueillir leurs témoignages. Ils ont raconté les faits tels qu’ils les ont vécus. Leur témoignage est si puissant qu’il se suffit à lui-même pour montrer combien des faits sur notre territoire peuvent changer notre vie, et marquer un territoire mais aussi les esprits, et changer notre regard sur le monde.
Aussi, nous nous sommes concentrés sur cette famille et avons décidé de transformer notre film en un magnifique témoignage, tant pour le récit de leur vécu personnel que pour raconter l’impact qu’un fait peut avoir sur une vie.
Nous avons donc travaillé en deux étapes : d’abord nous avons recueilli le témoignage de manière sonore, puis nous avons réalisé, lors de la dernière semaine de résidence en binôme, le tournage des images en retournant voir les Lacoste. Nous voulons aussi avec l’image garder cette idée que l’histoire de Sivens est totalement transformée par les points de vue et constantes métamorphoses en filmant le territoire comme personnage principal.
ÉCOUTER ci-après le document audio réalisé à l’occasion de la résidence.
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Éloïse LEBOURG
Après une école de journalisme reconnue par l’Etat et la profession, Éloïse lebourg apprendra sur le terrain à déconstruire tout ce qu’on lui a appris. Après des détours par Charlie, France Inter, RTL ou RFI, elle se positionnera dès 2006 sur les radios associatives dans lesquelles elle œuvrera comme journaliste puis directrice d’antenne, jusqu’en 2014. Pigiste pour Reporterre, Hexagones ou Politis, elle reviendra à ses premiers amours : l’enquête au long cours. Dès 2010, elle crée les Rencontres Nationales des Médias Libres et du Journalisme de Résistance qui se déroulent depuis, chaque année à Meymac en Corrèze, chaque dernier week-end du mois de mai. En 2015, elle crée avec Matthias Simonet, Mediacoop dont elle est la fondatrice-associée.
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Matthias SIMONET
Matthias SIMONET est réalisateur et animateur d’éducation populaire.
Diplomé d’un Master « Cinéma et Audiovisuel » à l’université de Poitiers en 2013, il crée en parallèle une structure associative d’éducation populaire Sisyphe Vidéo afin d’expérimenter le lien entre audiovisuel et luttes sociales. En 2015 il participe à l’élaboration de Mediacoop, média coopératif sur Clermont-Ferrand. De cette expérience naitront trois documentaires « Plumes de Bitume » (2015), « Lanceurs d’alertes, la vie d’après » (2016) et « Sur la route d’Exarcheia » (2018). En 2019 il réalise son premier court-métrage de fiction « Mélusine ».